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08/12/2011

Maroc :Mouvement du 20 février 2011

Maroc : « Le mouvement continuera jusqu’à la satisfaction de ses revendications ! »

 

Mouvement-du-20-fevrier-maroc-mohammed-vi.jpg

Entretien avec Aziz Hmoudane, un militant du Mouvement du 20 février à Paris.

Que s’est-il passé le 20 février 2011 au Maroc ? Pourquoi ton mouvement porte-t-il ce nom ?


 

Maroc : « Le mouvement continuera jusqu’à la satisfaction de ses revendications ! »

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Entretien avec Aziz Hmoudane, un militant du Mouvement du 20 février à Paris.

Que s’est-il passé le 20 février 2011 au Maroc ? Pourquoi ton mouvement porte-t-il ce nom ?
Une plateforme de revendications a été publiée et a circulé sur Facebook, comme dans les révolutions tunisienne et égyptienne appelant à manifester le 20 février. Cette plateforme reposait sur plusieurs axes : justice économique et sociale, respect culturel (notamment reconnaissance de l’identité Tamazight), respect des droits fondamentaux comme l’égalité entre hommes et femmes, la démocratie réelle, une Constitution reconnaissant la souveraineté du peuple marocain et la séparation des pouvoirs.

Comme on l’a vu dans la rue, cet appel a su rassembler les jeunes et les moins jeunes. J’étais à Casa ce jour-là, on était bien 5 000 dans la rue.

Il y a eu des manifs dans tous les grandes villes du pays. Plusieurs organisations ont soutenu cet appel dès le début, leurs militants s’y sont investis de toutes leurs forces. Cela a favorisé son audience. Depuis, le mouvement se développe et ne s’arrête plus.

La revendication-phare c’est la démocratie mais, si on lit bien cette lutte, le mouvement est bien plus profond que cela et la question sociale est très présente : dans les manifs, les pancartes sur le logement, l’éducation, le chômage sont très très présentes.

C’est assez significatif, un des slogans repris partout est : « Séparation entre le pouvoir et la richesse ! » Les gens ne veulent plus du pouvoir de l’argent, ce slogan est utilisé dans deux sens : « Ce ne sont pas aux riches de nous diriger » et « Répartition des richesses ! » (le roi est milliardaire et est un véritable homme d’affaires).

Enfin, ce mouvement revendique la démocratie mais la construit aussi en même temps. Il n’y a pas de coalition d’organisations qui décide pour tout le monde, mais des assemblées générales toutes les semaines, dans les grandes villes marocaines, où chacun peut soumettre ses idées pour développer le mouvement et où les décisions sont prises collectivement.

Elles rassemblent entre 200 et 300 personnes tous les mercredis à Casa. Seul un Collectif national d’appui (CNA) existe pour soutenir et aider au développement de la mobilisation.

C’est l’élan révolutionnaire tunisiano-égyptien qui a fait se lever les Marocains ?
Oui et non. Oui, parce que dans le contexte international, spécifiquement régional, à l’instar des mouvements populaires contre les despotes Ben Ali et Moubarak, le peuple marocain a été inspiré et a su se mobiliser. Non, parce que ce mouvement a une très longue histoire derrière lui, qui date du lendemain de la pseudo-indépendance et s’appuie sur des structures militantes très dynamiques depuis plusieurs années. En 1962 déjà, les partis, progressistes, on va dire, comme les nationalistes et autres, revendiquaient une Constituante pour une démocratie au Maroc. Elle a toujours été repoussée : la bataille pour la démocratie, c’est une très vieille histoire ! Les processus révolutionnaires dans le monde arabe ont permis au mouvement marocain de surgir publiquement et de s’amplifier mais l’élan était bien antérieur. Depuis plusieurs années, il y avait des « coordinations contre la vie chère » dans différentes villes et le Mouvement pour les droits humains (MDH) est aussi très ancien et dynamique (il existe aussi à l’étranger, en solidarité avec les prisonniers politiques marocains par exemple).

L’actualité pour votre mouvement tourne autour de la répression et du boycott des élections (pour renouveler les deux Chambres des représentants), c’était les deux thèmes de votre rassemblement à Paris samedi dernier. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Le mouvement ne boycotte pas pour le plaisir de boycotter (les élections du 25 novembre) mais parce que le projet de Constitution renforce les pouvoirs du roi. C’est une tromperie pour les Marocains ! Les réformettes du roi pour faire plaisir aux puissances occidentales et brouiller les cartes, ça ne passe plus ! D’ailleurs, on n’a qu’à regarder l’attitude des prétendues démocraties : au dernier référendum, le oui l’a emporté à près de 98 %, résultat digne d’une dictature et ces pays ont tous applaudi !

Nous appelons au boycott des élections parce que nous voulons une Constituante, pas simplement changer de représentants au Parlement ! Nous voulons une démocratie réelle, une constitution qui intègre la souveraineté du peuple. À travers ces élections, le régime veut dire au monde et aux Marocains qu’il est légitime : il craint vraiment une faible participation. Le pouvoir a donc très peur, et il réprime. La répression s’accentue depuis plusieurs semaines car c’est celle d’un pouvoir despotique : alors que le pouvoir et son fonctionnement sont menacés par notre mouvement, les coups pleuvent. Ils ont arrêté un jeune rappeur, El Haked (l’Enragé) qui se revendiquait du mouvement : la solidarité est grande avec lui, dans son quartier, à Casa, les gens se mobilisent, ses chansons sont reprises dans les rues par les manifestants. Il est en détention provisoire depuis deux mois, ils ne l’ont même pas jugé parce qu’ils savent que le dossier n’est pas solide et que cela créerait une mobilisation importante car des manifestations de soutien ont déjà été organisées à Casa.

Il y a beaucoup de prisonniers politiques depuis ces dernières semaines. La police procède à de nombreuses arrestations dans les maisons mais aussi dans la rue, attrapant et enfermant les gens qui distribuent des tracts du mouvement. Ils ciblent les arrestations, ils veulent faire peur et désorganiser.

Aujourd’hui menacé, le régime n’hésite pas à instrumentaliser la misère contre le mouvement : il fait appel à ceux que l’ont appelle des bataljiya, des jeunes très pauvres et sans principes qui sont achetés par le pouvoir pour taper sur les manifestants et les militants, pour les intimider.

Aujourd’hui, le peuple marocain s’est levé et n’accepte plus les vieilles règles du jeu : on l’a vu d’ailleurs lors du référendum sur la Constitution en juillet dernier car nombre de Marocains ont répondu à l’appel au boycott du scrutin lancé par le Mouvement du 20 février et le CDT (2e syndicat au Maroc).

Heureusement, la vie politique et le mouvement social sont anciens, ancrés et très dynamiques depuis des années, malgré la répression.
C’est ça qui fait se lever ce mouvement aujourd’hui et met le pouvoir en difficulté profonde.

Que pouvons-nous faire en France pour soutenir le mouvement ?
Ici, le mouvement est organisé comme là-bas : nous fonctionnons par assemblées générales toutes les semaines le jeudi soir à la Bourse du travail de Paris, rue Charlot. Tout le monde peut venir. Mais surtout, il faut en parler. Ne pas laisser la propagande du régime se rendre audible. Le pouvoir a très peur de l’opinion publique internationale pour protéger le tourisme et les investissements étrangers. Les forces démocratiques françaises ont aidé depuis longtemps le mouvement marocain, cela doit continuer et se renforcer aujourd’hui. La solidarité avec les prisonniers et le mouvement doit être permanente. C’est grâce à cette solidarité internationale qu’Hassan ii avait dû libérer les prisonniers politiques en 1994. Il faut reprendre ces habitudes-là aujourd’hui car le mouvement continuera jusqu’à la satisfaction de ses revendications de liberté, de dignité, de démocratie et de justice sociale !

Propos recueillis par Sarah Benichou

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